Carences affectives et cleptomanie.

Ce dont je manque à cet instant, je le prends.

Photo : Lucie Vieira

Si vous préférez les mots dans la voix à ceux dans les yeux, découvrez la version audio de cette lettre, en pied de page.

Dans ce billet, nous nous pencherons sur ce trouble délicat et complexe que représente la cleptomanie, sur la façon dont celle-ci a pu avoir une place dans ma vie, sur ses éventuelles causes, sur son traitement, son impact. Très bonne lecture !

Selon le DSM-5, (le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux), c’est à dire, selon la bible des Psy, la cleptomanie est classée parmi les troubles du contrôle et des impulsions. Vous pouvez aussi l’écrire avec K (je naviguerai tout au long de ce pli entre les deux options). Ecrire ce mot en commençant par la lettre K serait d’ailleurs sans doute, l’orthographe la plus correcte, étant donné que kleptomanie vient de la racine grecque kleptès que l’on peut traduire par le verbe voler et de l’union avec le suffixe -mania que vous connaissez pour exprimer la folie. C’est donc la folie du vol. Le vol irréfléchi, le vol impulsif ou compulsif. On peut lire dans le DSM-5 que :

“la caractéristique essentielle de la kleptomanie est l'incapacité récurrente à résister à l'impulsion de voler des objets, même si ces objets ne sont pas nécessaires à un usage personnel ou à leur valeur monétaire.”

Le diagnostic de cleptomanie peut être effectué si la personne répond à ces 5 critères :

1. incapacité récurrente à résister à l'impulsion de voler des objets non nécessaires à un usage personnel ou à leur valeur monétaire

2. un sentiment de tension croissante et décuplée juste avant le vol

3. le soulagement de cette tension par le dit vol et le sentiment de gratification suite au passage à l’acte

4. le vol n’est jamais commis par colère, vengeance, suite à des hallucinations ou des délires

5. le vol n’est ni lié à un trouble des conduites*, ni à un épisode maniaque, ni à un trouble de la personnalité antisociale.

*Un trouble des conduites est une catégorie psychiatrique marquée par un degré de comportement antisocial répétitif dans lequel le droit des autres et/ou la norme sociale sont bafoués.

Après la lecture de ces quelques lignes, vous penserez sans doute que la cleptomanie est un terrain très balisé par les psychiatres, mais il n’en est rien. Les origines d’un comportement cleptomane sont difficiles à déterminer, et semblent être multi-factorielles (nous en verrons les hypothèses plus bas au cours de votre lecture). Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir identifié ce trouble au début du 19ème siècle, en 1816, exactement. Il portait alors le nom de klopemanie, avant qu’on n’adopte définitivement celui de kleptomanie en 1840 dans le langage médical, par le biais de Charles Chrétien Henri Marc.

Quelques chiffres qui bousculent, au sujet de la cleptomanie :

• Seuls 0,4% à 0,6% de la population mondiale, seraient touchés par la kleptomanie (DSM-5).

• Les vols à l’étalage ne seraient représentés par des phénomènes de kleptomanie que dans 4 à 24% des cas (DSM-5).

• 66% des kleptomanes sont des femmes (DSM-5) et ce trouble apparaît le plus souvent à l’adolescence.

C’est donc un trouble excessivement rare, pour lequel il existe plusieurs thérapies notamment cognitives et comportementales, mais dont le moyen le plus efficace de le voir disparaître, est d’être pris la main dans le sac. Et je suis bien placée pour le savoir, puisque j’ai moi-même été atteinte de ce trouble.